Merci Madame la Maire et merci surtout pour cette déclaration d’amour pour les maires d’arrondissement que nous sommes, je suis sûre qu’à droite comme à gauche, les Maires sont touchés par vos mots. Mais nous sommes à la veille ou à l’avant veille de la saint Valentin peut-être que ceci explique cela.
Revenons à cette communication, vous l’avez baptisée territorialisation des politiques municipales pour une ville du quart d’heure, et derrière ce mot au fond très technocratique, vous nous recyclez en fait, un concept dont on parle depuis plus de 40 ans, qui s’appelle la décentralisation.
Tout cela part d’une bonne intention. C’est un bel outil de communication, qui s’inscrit dans un contexte particulier puisqu’on évoque prochainement, vous l’avez longuement évoqué ce matin, une réforme de la Loi PLM et une refonte de l’organisation politique de notre ville et puis je laisserai ma collègue Maud Gatel répondre sur le vœu de l’exécutif dans quelques instants.
Alors bien sûr, je partage votre volonté de réformer selon vos mots, en profondeur l’administration parisienne pour la transformer en un véritable outil efficace au service des parisiens. Et si je vous lis entre les lignes, après avoir fait grossir les effectifs de l’administration et créer des dépenses supplémentaires, vous souhaitez aujourd’hui, alors que nous arrivons à la fin de votre mandat, débureaucratiser. C’est d’une certaine manière un aveu d’échec sur la politique menée depuis dix ans.
Encore une fois, ce document est semé de bonnes intentions mais dans notre quotidien de maire d’arrondissement, nous n’avons bien évidemment pas attendu cette nouvelle feuille de route décentralisatrice pour tenter de répondre, en lien permanent avec les services déconcentrés de la Ville, le plus efficacement possible aux attentes et aux besoins de nos administrés.
Vous annoncez des déblocages financiers pour la propreté, pour l’entretien des pieds d’arbres, très bien et merci, mais prenons un exemple concret :
Vous parlez dans cette communication qu’un « véritable choc d’investissement » pour les arrondissements. Je vous rappelle quand même que les dotations d’investissement des arrondissements dits IIL, comme nous vous le disons chaque année malheureusement au moment du vote du budget, ces dotations n’ont absolument pas évolué d’un centime depuis Bertrand Delanoé, depuis 2010 précisément !
Depuis l’inflation est passée par là, les prix des matériaux, des services ont flambé et le nombre d’équipements et d’espaces verts dont la mairie d’arrondissement doit assurer l’entretien a considérablement augmenté !
Comment ne pas voir dans cette communication, une volonté sans moyens, qui fabrique de l’impuissance publique et du désarroi à la fois pour les élus locaux mais aussi des services de la ville et indirectement des habitants de nos arrondissements? On ne peut plus faire l’économie d’une réforme plus profonde sur les critères de choix budgétaires, par arrondissement et tenant compte d’un plus grand nombre de paramètres (l’attractivité touristique, le nombre d’emplois, l’occupation du domaine public, et j’en passe).
Autre annonce dans ce texte qui m’a évidemment interpellée : la création de trois nouveaux fonds d’animation locale, un spécial solidarité, un pour la culture et un consacré au sport. Ces trois fonds prennent exemple sur le fonds d’animation locale mis en place il y a environ trois ans… Il est de 300.000 euros pour tous les arrondissements – soit 10.000 euros pour le seul 9e, ce qui veut dire 0,16 euros par habitant… un montant bien dérisoire comparé aux sommes bien plus importantes accordées en Conseil de Paris sous forme de subvention à diverses associations… donc on est très, très, très loin là encore de pouvoir parler de décentralisation quand il s’agit d’octroyer 16 centimes d’euros par habitant ! Avant, cela s’appelait les fonds du maire, maintenant cela s’appelle le fonds d’animation locale, en langage marketing on appelle ça le naming.
Et puis un mot sur les finesses et les subtilités qui se cachent derrière cette communication pour évoquer la démocratie locale. A Paris vraiment on peut parler de tout, sauf des sujets qui fâchent. Ce n’est pas de la démocratie locale où les habitants pourraient s’emparer des sujets qui leur tiennent à cœur en toute liberté. Illustration de mon propos : dans quelques semaines vous allez poser une question aux Parisiens, une question fermée : êtes-vous pour ou contre les rues végétalisées ? C’est prendre finalement les citoyens pour des gogos, et d’ailleurs la faiblesse de la participation ces deux dernières années prouvent à quel point les parisiens se détournent de ce type d’initiatives.
Alors pourquoi refuser de mettre en place chaque année un recueil auprès des Parisiennes et Parisiens d’idées de sujets à soumettre à votation, à la fois au niveau local et puis au niveau parisien ?
Lors de la concertation avec vos adjoints et le secrétariat sur ce texte, j’ai fait un certain nombre de propositions qui n’ont malheureusement pas été retenues. Alors je les réitère ici :
Pour un meilleur entretien de la voirie, la demande, forte, de réformer le règlement de voirie de 2015 : c’est du bon sens pour une gestion territorialisée sans changer les compétences, pour ne plus laisser, surtout aux concessionnaires, la maîtrise de notre espace public.
Sur la propreté, des besoins en ressources, tant humains que financiers, alloués à nos arrondissements dans le cadre de l’enveloppe souplesse pour tenir compte des spécificités territoriales (nombre de visiteurs à la journée versus nombre d’habitants) .
Et puis pousser la logique de la territorialisation jusqu’au bout et créer par arrondissement des services déconcentrés. Nous n’en pouvons plus d’avoir une circonscription des affaires scolaires à cheval sur les 8e, 9e et 10e dont les locaux se trouvent en dehors du territoire comme la police municipale. Les policiers du 9ème sont rue Bernard Buffet Porte de Clichy cher Geoffroy, et bientôt la CASPE chez François Dagnaud dans le 19e.
Cette soi-disant rationalisation des moyens qui a été renforcée en 2014 sous l’impulsion de l’administration, en regroupant les directions propreté, voirie, espaces verts sur plusieurs arrondissements a été – il faut le bien reconnaître- une erreur évidente. D’ailleurs vous-mêmes, il y a quelques semaines, vous dénonciez à juste titre les services de la Ville qui n’arrivaient pas à se coordonner pour mieux mener les projets avec efficacité et réactivité.
Alors aujourd’hui il faut avoir le courage de défaire cette organisation pour créer à moyens humains constants, des directions par arrondissement. Ce serait aussi l’occasion d’enfin décentraliser la gestion des collèges qui, contrairement aux crèches et aux écoles échappent aux maires d’arrondissement, héritage d’une époque lorsque la Ville de Paris était ville et département ce qui n’est plus le cas depuis 2017 !
Parmi les autres demandes : celle d’émettre des avis conformes sur les Permis de construire et non plus consultatifs, cela vaut aussi pour les occupations du domaine public, les DIA et les changements d’usage.
Et puis une demande récurrente, celle que les mairies d’arrondissement puissent organiser le fameux SMA, le service minimum d’accueil, dans les écoles en cas de grève des enseignants et du périscolaire afin que nous puissions enfin tout simplement appliquer la loi, et je ne peux pas ici m’empêcher de rappeler que nous sommes plusieurs maires à demander aussi à pouvoir choisir dans nos arrondissements notre propre organisation du temps scolaire et périscolaire en revenant à la semaine de quatre jours pour les enseignants et à un mercredi complet dédié aux activités périscolaires.
Alors maintenant l’heure est à la réforme pour faire rentrer Paris sans le 21e siècle.
La réforme du statut de Paris votée en 2017 fut une occasion manquée alors que l’alignement des planètes politiques entre le gouvernement d’alors, Monsieur Hollande, et la mairie de Paris vous était favorable pour faire réellement bouger les lignes. Sept ans après, nous nous retrouvons maintenant au pied du mur et ce ne sont pas avec ces 10 pages de communication que nous ferons une réforme en profondeur des institutions parisiennes. Il faudra passer par la loi, passer par un débat parlementaire pour remettre à plat une bonne fois pour toute le statut de Paris, établir les responsabilités des uns et des autres, pour assurer vraiment un service public de qualité et de proximité aux Parisiennes et aux Parisiens.
Je vous remercie.