Merci Monsieur le Maire,
Mes chers collègues,
Parler de la Seine, c’est invoquer un fleuve qui a façonné notre ville tout autant que son histoire. Ce n’est pas une simple étendue d’eau qui traverse Paris ; c’est l’axe autour de laquelle notre ville s’est construite, le témoin silencieux de nos mutations, de nos prospérités et de nos crises.
La Seine, c’est aussi un récit : un récit pour les Parisiens, des premiers qui s’établirent sur les berges, des bateaux-mouches qui en ont fait sa renommée, des artistes qui l’ont immortalisée, et des grands travaux haussmanniens qui l’ont encadrée dans la pierre. À chaque époque, nous avons donné à la Seine un rôle, un usage et une fonction.
Mais c’est justement là que réside le cœur du problème : nous avons trop longtemps considéré la Seine sous son prisme de l’utilité. Elle a été la voie de commerce, source d’énergie, réservoir d’eau potable, exutoire de nos rejets industriels. Le XXe siècle, avec son urbanisme productiviste, en a fait une artère économique, un canal maîtrisé, une frontière parfois négligée.
Or, un fleuve ne se réduit pas à son utilité, en tout cas l’utilité des hommes. Il est un écosystème, un organisme vivant, un équilibre fragile qui dépasse nos logiques purement fonctionnelles.
L’inscription des rives de la Seine au patrimoine mondial de l’Unesco en 1991 a marqué une prise de conscience de sa valeur historique et culturelle. Et plus récemment, les regards du monde entier se sont tournés vers elle au cours de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Ces moments nous rappellent combien la Seine est bien plus qu’un décor, elle est une entité qui nous relie.
Si nous débattons aujourd’hui de la citoyenneté d’honneur de la Seine, la question qui reste posée n’est pas celle d’un titre honorifique, mais celle d’un véritable statut juridique.
Dans d’autres pays, cette question du droit de la nature est en marche, cette révolution juridique est en marche. En Nouvelle-Zélande, le fleuve Whanganui a obtenu une personnalité juridique, lui permettant d’être représenté en justice. En Colombie, le fleuve Atrato a bénéficié de droits propres qui permettent de garantir sa préservation en lien avec les communautés autochtones. En Espagne, la lagune Mar Menor a été reconnue comme entité juridique pour lutter contre sa destruction.
Ces exemples montrent qu’un autre rapport au fleuve est possible. Une relation où nous ne nous contentons pas simplement de protéger un bien que nous possédons, mais où nous reconnaissons une intégrité de ses droits.
Nous devons à la Seine ce tournant historique. Conférer des droits à la Seine, ce n’est pas lui accorder une citoyenneté fictive, c’est donner un cadre légal qui lui permette d’être défendue contre les pollutions, les atteintes irréversibles, l’exploitation démesurée. C’est aussi reconnaître que nous avons une responsabilité collective et juridique et non seulement pour aujourd’hui, mais pour les générations futures.
Alors la Seine a été victime de négligences, d’abus, de pollutions qui mettent en péril sa biodiversité et sa viabilité. Bien plus qu’une approche symbolique, il faudrait avoir une approche exigeante sur le plan du droit mais aussi sur le plan des actes.
J’ai en mémoire la récente, et je préfère rappeler ici la récente affaire du déversement illégal de déchets industriels de Lafarge qui en est une preuve accablante.
Il ne suffit pas de voter des textes symboliques, il faut les appliquer. Alors ne nous contentons pas d’un titre juridique, agissons en cohérence avec ce que nous défendons. A travers ce texte, protégeons juridiquement la Seine, et surtout concrètement, de là à l’avenir des différentes pollutions et rejets industriels.
Je vous remercie.