Paris, le 21 juin 2018

Réuni ce jeudi 21 juin, le Syndicat mixte Autolib’ Vélib’ métropole a sonné le glas d’Autolib’, sept ans après sa création, dont le contrat se révèle aujourd’hui être celui du mariage de l’inconséquence industrielle et commerciale du groupe Bolloré et de l’incompétence des successeurs de Bertrand Delanoë. La délibération adoptée sur le refus du syndicat de payer la somme réclamée par le groupe Bolloré, acte la fin du service Autolib, en théorie le 25 juin.

Membre du bureau du Syndicat mixte représentant la région Ile-de-France et membre du groupe UDI-MoDem du Conseil de Paris, Yann Wehrling, a refusé de prendre part au vote de ce jour sur la fin du contrat Autolib’, décision déjà entérinée par la Maire de Paris. Il a regretté la disparition de l’esprit constructif et de dialogue qui prévalait jusqu’à alors entre membres du syndicat mixte. Par ses déclarations dans la presse annonçant la fin d’Autolib’, la Présidente du syndicat mixte a dynamité le front commun qui unissait les membres du syndicat face aux coups de boutoir du délégataire. Pour preuve, près de la moitié des communes membres du syndicat, afin de manifester leur opposition à cette méthode de travail, a refusé d’approuver la délibération proposée par sa présidente, mettant fin au service Autolib’.

Depuis plusieurs jours, la Mairie de Paris et la présidente du syndicat mixte d’un côté, la direction d’Autolib’ et le groupe Bolloré de l’autre, se renvoient la responsabilité de cet échec, dans une surenchère de reproches. Et au-delà du rapport d’audit établi par Ernst & Young qu’il s’agira de rendre public, nous aurons besoin d’établir un véritable bilan de cette « aventure Autolib’ » pour établir avec objectivité les responsabilités des uns et des autres dans ce triste fiasco.

On peut par exemple se questionner sur les responsabilités du groupe Bolloré. Dès le début, le modèle économique et le plan d’affaires étaient vraisemblablement surévalués. À l’origine, le groupe Bolloré prévoyait un bénéfice au terme en 2023 de 56,3 millions d’euros et une rentabilité automatique dès le palier de 50.000 abonnés atteint. Aujourd’hui, aucun des objectifs du plan d’affaire initial n’ont été atteints : le nombre de location est 50% inférieur à celui prévu et le temps moyen de location inférieur de 30%.

Malgré ces résultats alarmants, de 2011 à 2016, le groupe Bolloré continuait d’affirmer que le service présentait des excédents, afin d’annoncer subitement un déficit fin 2016, de 179 millions d’euros, réévalué depuis, toujours selon le groupe Bolloré, à 293 millions. Dès lors, le Syndicat mixte remettant en cause ce montant de déficit, le groupe Bolloré a abandonné Autolib’, refusant toutes les propositions d’améliorations du syndicat mixte en échange d’une prise en charge du déficit, laissant peu à peu la détérioration des véhicules et des bornes de recharge s’installer, à un niveau indigne d’un service public de transports. Ainsi, en un an le nombre d’utilisations a chuté de 17%.

Au final, la seule réponse du groupe Bolloré à la dégradation du service a été de se réfugier derrière le contrat en demandant aux collectivités de payer, tout en exagérant les coûts des indemnités. Demandant quelques 300 millions d’euros, tous types d’indemnités confondus, le groupe Bolloré a choisi de jouer son va-tout, mettant une épée de Damoclès au-dessus des collectivités, et donc du contribuable, avec un aplomb flirtant avec la provocation.

Pour se rendre compte de cette démesure, il suffit d’analyser le montant estimé par le groupe Bolloré pour le rachat des bornes de recharge. Leur coût unitaire en 2011 était de 2844 euros, tandis que le groupe Bolloré les propose au rachat à 2600 euros pièce. 7 ans après avoir installées, la décote ne serait que de 8,7%, quand une voiture individuelle, en moyenne, subit une décote de 75% sur la même période !

Quant à la Ville de Paris, qui dispose, rappelons-le, d’une majorité de 55% des voix au sein du syndicat mixte Autolib’ Vélib’ Métropole, l’annonce anticipée de la fin d’Autolib’ le 15 juin dernier, avant même que les membres du syndicat mixte ne soient informés, est révélatrice de la fébrilité avec laquelle ils abordent cet échec.

Grisée par la perspective de pouvoir installer un système innovant, la Ville de Paris a cru sur parole le plan d’affaire initial du groupe Bolloré lequel était pourtant bien trop optimiste. Ainsi, accepter dans le contrat passé avec ce délégataire qu’il ne prenne que 60 millions d’euros d’un déficit éventuel à sa charge semble aujourd’hui une erreur majeure.

Une fois le déficit annoncé par Bolloré, la Ville de Paris s’est fait mener en bateau, de comité de suivi en comité de conciliation, laissant le temps au groupe Bolloré de vendre son modèle ailleurs, avant de reprendre très tardivement l’initiative, après que le groupe Bolloré ait demandé le début du comblement du déficit par les collectivités.

Au-delà de ses responsabilités dans la dégradation du service, le groupe Bolloré a proposé plusieurs pistes pour tenter de le relancer courant 2017, comme la fermeture de 200 stations non rentables, la desserte des aéroports parisiens, l’ouverture des voies de bus, l’autorisation de circulation pendant les journées sans voitures, mettre de la publicité sur les voitures… Le refus catégorique de la Ville de Paris de discuter de ces solutions, et notamment les trois dernières, a contribué à détériorer les relations avec son prestataire.

Au final, la Ville de Paris, le Syndicat mixte et les communes membres,  se sont fait prendre au jeu d’un industriel qui n’avait d’autre volonté que de se servir de Paris comme d’une vitrine pour mettre en avant son produit et qui, après avoir vendu sa solution ailleurs et voyant que son modèle ne résisterait pas à la concurrence des nouvelles mobilités, a décidé à partir de fin 2016 de limiter ses pertes au maximum en mettant à contribution les collectivités.

Et maintenant ?

Yann Wehrling a, dans son intervention lors du Syndicat mixte réuni ce jour, demandé que la Maire de Paris cesse enfin de gérer cette affaire seule et laisser le Syndicat mixte dans ses pleines prérogatives avec la gestion des choses, et notamment sur trois points :

  • négocier la fin de la délégation de service public avec le groupe Bolloré afin de préserver au mieux les intérêts de tous les contribuables dans la facture finale qui restera à charge des collectivités
  • être tout particulièrement dans un suivi attentif à la fois des usagers d’Autolib’ qui devront être informés et indemnisés, et des salariés d’Autolib’ qui se retrouvent aujourd’hui dans une situation de grande inquiétude quant à leur avenir professionnel
  • que nous puissions très rapidement engager un travail de prospectives pour offrir aux franciliens une nouvelle offre moderne et dynamique de voiture partagée en libre-service.

Yann Wehrling

Porte-parole du groupe UDI-MoDem du Conseil de Paris

Membre du bureau du syndicat mixte Autolib Vélib’ Métropole

Conseiller de Paris (15e)

Conseiller régional d’Ile-de-France