Madame la Maire,
Chère Laurence Patrice, Chers collègues,
Nous examinons aujourd’hui une délibération qui donne corps à un vœu voté lors du Conseil de Paris de novembre dernier. Celle de dédier un lieu du 9e arrondissement de Paris à la mémoire de monsieur Garbis Aprikian, compositeur et chef de chœur franco-arménien, disparu en octobre 2024 au lendemain de ses 98 ans.
À travers cette dénomination, il s’agit de rendre hommage à une personnalité d’exception, une figure discrète mais majeure dont la vie et l’œuvre ont tissé un lien singulier entre les cultures, entre les traditions liturgiques arméniennes et les canons de la musique occidentale. Né à Alexandrie en 1926, le futur maestro a grandi au sein de la communauté arménienne où le champ sacré devient très tôt une seconde langue. Son destin artistique se dessine dès l’adolescence à l’ombre des grandes figures de l’opéra italien grâce à un maître formé par Mascagni.
Sa première œuvre, l’Hirondelle, dit bien cette vocation précoce de porter la voix et l’exil au plus haut. Arrivé à Paris en 1953, boursier, il intègre les grandes institutions de la vie musicale française. Il y reçoit l’enseignement rigoureux de Tony Aubin, de Simone Plé-Caussade et surtout d’Olivier Messiaen, dont il suit les cours d’esthétique musical au conservatoire national supérieur.
C’est à Paris qu’il compose, dirige et transmet sans relâche pendant plus de 60 ans. Chef des cœurs mixtes Sipan Komitas qu’il dirige pendant plus d’un demi-siècle, Garbis Aprikian s’est imposé comme un ambassadeur infatigable de la musique arménienne qu’il a fait rayonner à travers toute l’Europe de Munich à Venise en passant par Genève et Amsterdam.
Sa démarche artistique n’a jamais été le repli, mais au contraire le dialogue des cultures, alliance des mélodies européennes et de la diaspora. Parmi ces œuvres marquantes, citons notamment la la naissance de David de Sassoun, inspiré de l’épopée arménienne. Homme de paix et de transmission, Monsieur Aprikian a consacré sa vie à la création, au partage, à l’harmonie, au sens musical, comme essence comme au sens citoyen du terme.
En 1991, juste après la chute de l’URSS et l’indépendance de la République d’Arménie, il est invité par les plus hautes autorités du pays à s’y produire pour la première fois. Une reconnaissance forte, à la fois symbolique et artistique pour un compositeur longtemps ancré, connu et reconnu en diaspora.
Ces talents ont été salués par de nombreuses distinctions dont le titre de commandeur dans l’ordre des arts et des lettres en 2021. Afin d’honorer sa mémoire et son héritage en lien étroit avec ses enfants Ara Aprikian et Gorune Aprikian et avec vous chère Laurence Patrice, le choix de la place large et arborée à l’angle des rues de Maubeuge et d’Abbeville et à quelques maîtres de l’Église Saint-Vincent de Paul où il a donné son concert d’adieux, s’est imposé avec justesse.
Dans cette période où la mémoire et le dialogue doivent être des piliers donnés à un lieu du 9e arrondissement de Paris, le nom de Garbis Aprikian c’est réaffirmer l’importance du travail de mémoire, de la transmission du partage de culture et de la fidélité aux racines sans renier l’universel. Vous l’aurez compris aujourd’hui nous sommes heureux et satisfaits de l’examen et du vote en faveur de cette délibération.