Madame la Maire, mes chers collègues,
La crise du logement est une réalité quotidienne pour des milliers de familles, de jeunes actifs, d’étudiants ou de travailleurs qui rencontrent des difficultés à se loger dans leur propre ville. Face à cette situation, il est de notre devoir d’agir avec lucidité.
Mais force est de constater que votre Exécutif municipal semble manquer de lucidité. Vous avancez le chiffre de 262 000 logements inoccupés à Paris : un volume qui, a priori, semble offrir un formidable gisement pour répondre à la crise du logement. Mais derrière cette donnée globale se cachent, vous le savez, des réalités très différentes : logements temporairement vacants, résidences secondaires, meublés touristiques ou logements en attente de mutation.
En réalité, seuls 30 000 logements seraient réellement vacants, c’est-à-dire potentiellement mobilisables à court terme. Et lorsqu’on s’intéresse plus spécifiquement à la vacance structurelle – celle qui dure depuis longtemps –, nous parlons en réalité de 18 600 logements. Ce sont eux que nous devons cibler.
Mais vous avez d’ailleurs vous même avoué que vos chiffres étaient volontairement gonflés pour prendre en compte une certaine dynamique. Pour nous, il est absolument essentiel de ne pas se laisser abuser par les apparences statistiques et de distinguer clairement ce qui relève de la vacance structurelle et de la vacance de court terme.
Certes, nous partageons l’ambition de lutter contre la vacance, mais nous regrettons une communication qui reste à ce stade très théorique.
Où sont les objectifs opérationnels ? Combien de logements seront effectivement remis sur le marché dans les 12 prochains mois ? Quels indicateurs permettront d’évaluer les résultats de cette stratégie ? Et surtout, quelle articulation concrète avec les dispositifs d’aide à la rénovation, de portage foncier ou de mobilisation des propriétaires privés ?
Sur le fond, plusieurs éléments nous paraissent essentiels :
Oui, il faut mobiliser les logements vacants. Mais il ne faut pas jouer avec les chiffres, comme vous le faites, en additionnant des réalités hétérogènes et comme nous venons de le rappeler.
Oui, il faut mieux encadrer les meublés touristiques. Nous avons été, notre groupe a été le premier à le demander lors de la précédente mandature, bien avant que votre majorité ne se saisisse pleinement du sujet. La limitation de la location de 90 nuitées annuelles pour les résidences principales ne suffit pas. Bien que l’application de cette loi constitue une avancée notable, elle ne résout pas toutes les problématiques car celle-ci se limite aux propriétaires mettant en location leurs résidences principales, laissant de côté les enjeux liés aux résidences secondaires.
Oui, il faut réorienter notre politique du logement. Mais nous restons fermement opposés à l’objectif de 30% de logements sociaux. Ce seuil ne correspond ni à la physionomie de Paris, ni aux attentes des classes moyennes. Ce que nous défendons, c’est une vraie mixité, incluant l’accession sociale à la propriété et un développement des logements intermédiaires, particulièrement absents du PLU d’ailleurs. 140 000 ménages parisiens sont en attente d’un logement social, mais le taux de rotation est dramatiquement bas, à seulement 5 % en 2022.
Il est temps que vous sortiez d’une logique purement quantitative pour retrouver une ambition qualitative : mieux loger les classes moyennes, favoriser le parcours résidentiel et garantir une répartition plus équilibrée du logement social sur l’ensemble du territoire parisien.
Enfin, aucune stratégie de remobilisation ne sera crédible sans pilotage clair. Aujourd’hui, vous parlez de coordination entre acteurs mais sans engagements fermes, sans feuille de route partagée, sans évaluation prévue.
Alors oui à la remobilisation des logements vacants, mais à condition que cette stratégie soit plus lisible, mieux suivie et réellement ambitieuse sur le terrain, et qu’elle s’inscrive dans une politique du logement globale, équilibrée, pensée pour tous les Parisiens – y compris les classes moyennes que vous oubliez trop souvent.
Je vous remercie.