Nous examinons aujourd’hui la création de cette fonction essentielle dont nous partageons le constat et l’objectif. En cette journée internationale des droits de l’enfant, il est de notre responsabilité collective de rappeler cette vérité simple : les enfants sont les premiers à subir des violences qu’ils ne peuvent nommer, dénoncer, affronter seuls et parfois psychologiquement confrontés à leur propre famille. Il leur est particulièrement difficile de franchir le cap. Pour avoir été quelques années avocate de l’ASE, je peux vous dire que tous les milieux sont concernés.
Ils dépendent de notre vigilance, de nos institutions, des institutions en général, de nos décisions pour être protégés. Et lorsque cette protection faillit, c’est tout un système qui vacille mais c’est aussi leur avenir et notre avenir collectif qui est touché. Face à l’ampleur des violences subies par les enfants à Paris comme ailleurs, personne ne peut considérer que notre collectivité en fasse trop. Les révélations dernières ont bouleversé les familles, les personnels éducatifs, les associations, l’ensemble des élus ici présents mais aussi sont sources d’inquiétude pour les familles. Les témoignages des enfants agressés dans leur école, les défaillances dans la chaîne de signalement, les classements sans suite administratif, tout cela est un véritable séisme, un véritable me too des enfants pour reprendre les mots évoqués par la presse. Et la tolérance zéro que vous venez d’évoquer doit être réelle et non pas un slogan ou une bonne intention. C’est pourquoi nous soutenons que ce défenseur des enfants qui devra jouer demain un rôle central, un recours identifiable, un point d’entrée clair pour les familles, pour les enfants eux-mêmes de façon indépendante, y compris pour les mineurs, notamment ceux qui font l’objet de violence infra familiales, les professionnels et lorsqu’une situation de doute, de violence ou d’alerte survienne, il devra agir.
Il devra être un garant que les signalements ne se perdent plus, que les délais de traitement qui sont souvent trop longs ne s’allongent plus, que les recommandations soient suivies, évaluées et qu’aucune inertie administrative ne mette un enfant en danger. Il devra être ce défenseur capable d’interpeller la ville, de pointer les fragilités en toute indépendance, ce qui n’est pas toujours facile, et pouvoir y apporter les correctifs, y compris lorsque cela va toucher nos pratiques internes ou nos missions internes, car aucun service aujourd’hui n’est exempt de sa capacité à bien agir.
Alors moi, j’ai quatre questions au nom de mon groupe. La première, pourquoi maintenant ou pourquoi finalement avoir attendu les signaux d’alerte ne sont pas apparus simplement cette année. Ils sont connus, documentés, rapportés depuis des années par les associations, par les collectifs d’avocats, par le défenseur des droits et parfois même par nos propres services, nos propres professionnels sur le terrain. Que fait-il que cette question soit urgente aujourd’hui ? Il est évidemment nécessaire d’agir aujourd’hui. C’est quand même un regret que nous avons au sein du groupe Modem de ne pas avoir eu cette délibération plus tôt.
Deuxième chose, dans quel cadre administratif ? Il y a un contexte politique à prendre avec intérêt et questionnement. La création d’une nouvelle fonction au sein de l’administration intervient à un moment où l’Exécutif organise ses périmètres, structure et rééquilibre ses structures internes. Une nouvelle instance qui reprend en partie le périmètre de la mission des droits de l’enfant. Est-ce que cela va vraiment clarifier les choses telles que c’est conçu ?
Troisième chose, je reviendrai sur la procédure. Il est quand même questionnant que ce défenseur soit rattaché directement à la maire. Est-ce vraiment la bonne formule ? On peut imaginer que demain, y compris des élus, soient concernés par cette question, que ce soit dans le cercle privé ou dans le cercle professionnel. Donc, ce n’est pas à mon sens et à notre sens la garantie d’avoir une vraie indépendance. Moi, j’ai une suggestion à faire, celle de reprendre la procédure qui est notamment appliquée à l’Assemblée nationale depuis des années, comme par exemple pour les grandes agences, comme pour l’ADEME, faire en sorte qu’il puisse y avoir une audition par la commission concernée qui sera la commission de référence et un vote au 3/5e, ce qui oblige majorité et opposition à trouver un certain accord, mais surtout de donner une vraie légitimité à celui qui devra intervenir pour défendre les enfants de notre territoire.
Et puis quatrième question, celle du combien. Il est nécessaire d’affecter des moyens. Trop souvent d’ailleurs dans le monde de la justice, on voit et c’est pas une question de gouvernement, j’ai quelques collègues qui sont avocats sur ces bancs, on sait très bien combien il est difficile notamment pour les droits de l’enfant d’avoir des moyens affectés suffisants dans l’ensemble des services. Donc combien affecterons-nous de moyens pour faire en sorte que tout ce système, la formation des délégués volontaires puisse obtenir les moyens pour leur formation et leur exercice et puis combien aussi sera rémunéré ce défenseur des enfants pour avoir aussi une idée du type de personne qui pourrait être attirée par cette nouvelle fonction bien évidemment dans le cadre d’une procédure transparente.
C’est pourquoi nous voterons ce texte, parce que l’urgence le commande, mais j’espère que nous aurons au cours de ce débat quelques éclaircissements. Merci.