Madame la Maire,
Paris a été très durement éprouvée depuis plus d’un an maintenant.
On estime à plus d’un tiers des franciliens touchés par le Covid. Plus de 17000 parisiens sont décédés. Ce sont autant de familles qui souffrent dans leurs chairs. Et tous les habitants de Paris souffrent dans leur âme. Vivre trois confinements dans une ville dense, des logements exigus avec la peur de demain, pour soi et pour les siens constituent une épreuve à laquelle les Parisiens font face avec beaucoup de courage.
Depuis le début de cette pandémie, les Parisiens ont toujours pu compter sur le dévouement sans faille des soignants. Quant aux personnels de la Ville, ils ont redonné tout son sens à la mission de service public qui est la leur, par leur engagement et leur adaptation aux nouvelles contraintes. Qu’ils en soient ici chaleureusement remerciés.
Plus que tout autre lieu, Paris a perdu une partie de son âme. Paris sans ses commerces, ses restaurants, ses lieux culturels, n’est qu’une pâle image de la Ville lumière.
Si la situation est loin d’être stabilisée, un espoir est né avec l’arrivée du vaccin. On ne dira jamais assez la prouesse de tous ces chercheurs qui, en un temps record, ont repoussé les limites de l’innovation pour nous offrir des perspectives.
On ne dira jamais assez combien l’absence de vaccin français est aussi le signe d’un déclin industriel que l’on doit interrompre.
On ne dira jamais assez combien cet espoir s’accompagne d’un défi logistique inédit compte tenu des conditions de conservation des vaccins et de notre dépendance aux livraisons des laboratoires pharmaceutiques.
Aujourd’hui la vaccination est bien engagée.
La semaine dernière, la barre des 10 millions de français vaccinés a été franchie.
En 3 mois à Paris, c’est près d’un cinquième de la population qui a été vacciné et 100% dans les Ehpad, conformément à la stratégie vaccinale poursuivie qui a priorisé les personnes les plus fragiles et les plus à risques.
Et le rythme de la vaccination s’accélère : cette semaine, ce sont plus de 2 millions de doses qui seront livrés sur tout le territoire, dont les premières doses du vaccin Janssen qui permettra un nouveau paradigme dans la vaccination compte tenu de ses facilités de conservation et d’administration.
Cette accélération nécessite d’ouvrir une nouvelle étape dans la campagne de vaccination :
- Les centres de proximité, qui font un travail remarquable, et s’adaptent en permanence aux aléas des livraisons grâce à la mobilisation des soignants et des élus, doivent être pérennisés ;
- La mobilisation de tous les professionnels de santé pour de la micro proximité doit encore être renforcée ;
- Quant aux centres de grande taille, si les livraisons sont suffisantes, ils pourront utilement venir accompagner, mais non remplacer, les centres de proximité.
- Et puis il nous faut aller chercher individuellement toutes celles et ceux qui n’ont pas pu jusqu’ici accéder à la vaccination.
Et comme toute la stratégie ne peut reposer sur les seuls vaccins, il faut renforcer les dispositifs en matière de réduction des risques :
- Nous sommes déjà l’un des pays qui teste le plus de monde ; le maillage à Paris est dense, les tests gratuits et désormais, nous pouvons compter sur les autotests, notamment pour évaluer la situation dans les écoles grâce à leur mise à disposition, gratuite.
- Il nous faut aussi rappeler combien l’isolement est indispensable et accompagné, notamment financièrement.
- Et puis veiller à ce que les gestes barrières demeurent, accompagner la limitation des interactions sociales si difficile à accepter.
Si le rôle de la ville est d’accompagner la stratégie vaccinale, il lui revient aussi de préparer la suite. La sortie du confinement d’abord, mais également la reprise d’un point de vue sanitaire, social et économique.
Dans 2 semaines, les écoles rouvriront. Pour autant, la prévalence reste très élevée. Comment dès lors éviter un rebond de l’épidémie ? Comment faire en sorte de diminuer significativement le taux de contamination journalier pour ne pas rester sur un plateau haut qui ne permet pas de se projeter dans l’avenir ?
Les efforts doivent se poursuivre voire se renforcer. Quelques exemples :
- Le télétravail, on le sait, est l’une des clefs pour limiter le brassage de la population. Il doit être favorisé au maximum. Or, la ville ne donne pas le bon exemple en la matière. Un an après le premier confinement, il y a encore des agents qui ne peuvent télétravailler car ils ne sont pas équipés ;
- Un an après la première fermeture des écoles, il y a encore des élèves et des professeurs au collège qui n’ont pas le matériel nécessaire pour suivre les cours à distance. Ce n’est pas acceptable.
- Parallèlement au renforcement du protocole sanitaire dans les établissements scolaires, il faut continuer à innover. Il nous faut des purificateurs d’air dans les classes, la possibilité d’investir de nouveaux lieux.
- Et pour permettre à nouveau l’accès à la culture, organisons la culture hors les murs.
Et puis la ville doit accompagner les acteurs qui souffrent.
Nous l’avons dit, le plan de soutien de la Ville est insuffisant. Doté de 200 millions d’euros, il a très peu été abordé ces derniers mois.
Alors que nous vivons un troisième confinement, ou sont les dispositifs d’accompagnement de la ville pour les plus fragiles ?
Face à la crise sanitaire qui a fragilisé une partie de la population, malgré les aides nombreuses, avec des dépenses supplémentaires et des sources de recette taries, notamment pour les étudiants privés d’emplois, il nous faut renforcer notre action.
Quelques propositions :
- Renouvelons l’aide aux familles les plus modestes dont les dépenses ont augmenté en raison de la prise en charge de la cantine.
- Plutôt que de ponctionner les bailleurs à travers les loyers capitalisés, demandons-leur d’accroître leur accompagnement social pour les locataires les plus fragiles.
- Et alors que les conditions de vie de ces 13 derniers mois ont été particulièrement difficiles, permettons au plus grand nombre d’enfants de partir en vacances en augmentant le budget consacré aux vacances Arc-en-ciel, qui a diminué de moitié ces dernières années.
Sur le plan économique, et à défaut de marges de manœuvre réelles liées à votre gestion dispendieuse, privilégions l’innovation au saupoudrage.
La ville doit être un facilitateur dans les démarches des différents publics. Aidons-les à préparer la réouverture.
Et puis, pensons à la ville de demain. Car demain se prépare aujourd’hui. Nous avons déjà perdu beaucoup trop de temps. On ne reprendra pas nos vies là où on les a laissées.
Il est urgent de redonner de l’attractivité à la capitale pour ses habitants. D’enrayer l’exode des familles parisiennes.
Cela passe par repenser la ville à l’aune des tendances accélérées par le Covid et qui vont se perpétuer :
- Les conséquences de la généralisation du télétravail pour nos quartiers, nos écoles, les mobilités.
- L’effet de l’explosion du e-commerce sur nos commerces, nos restaurants, la logistique urbaine.
- La nécessité de repenser l’activité et les bureaux, le logement selon les nouveaux usages.
- Et puis repenser le tourisme qui ne pourra plus être le même demain.
Des contraintes que l’on prenait pour immuables ne sont plus acceptées. Par exemple, la sur-occupation des transports en commun. C’est tout un modèle à reconstruire pour donner, enfin, des conditions dignes de transport aux voyageurs. Et je doute fort que cela passe par la gratuité.
Ce sont tous ces sujets que la Ville doit se saisir.
Depuis un an, nous vivons une crise sans précédent avec ses tragédies, ses doutes, ses retards, ses erreurs aussi.
De tels changements de paradigmes nécessitent d’ appréhender différemment le rôle des politiques publiques. Chacun à sa place. Chacun selon ses prérogatives. Avec humilité et responsabilité.
Je vous remercie.