Madame la Maire,
Mes chers collègues, 

Ce débat autour du Co-living mérite sans doute plus de nuances qu’il n’en a reçu jusqu’ici. Importé des États-Unis et développé chez nous à partir de 2017, le Co-living existe sans exister. Il n’est pas défini par la loi. Il navigue dans un entre-deux juridique, ni tout à fait colocation, ni résidence étudiante, ni résidence hôtelière. Ce flou a permis les sortes d’opérateurs spécialisés qui exploitent les marges de manœuvre offertes par les différents régimes. Et c’est sans doute là que se loge le problème. 

Comme toutes les innovations immobilières qui émergent dans un bid réglementaire, le Co-living s’installe dans les failles du droit existant et en tire partie. Il fragilise l’offre de logements familiaux classiques lorsqu’il convertit des immeubles entiers en chambre individuelle. Et enfin, il transforme l’habitant en produit financier davantage pensé pour sa rentabilité que pour répondre à une demande sociale réelle. 

Il nous paraît donc nécessaire de mieux encadrer cette pratique avec des règles de droit commun et en évitant que ces compléments de loyers parfois artificiels ne deviennent un prétexte à inflation. Pour autant, la proposition du groupe communiste appelle plusieurs réserves. 

D’abord, si elle a le mérite d’attirer l’attention sur un sujet réel, votre proposition, cher Ian Brossat, se heurte à une limite institutionnelle évidente et vous le savez, le Conseil de Paris n’a pas compétence pour définir le cadre légal du logement. Plaider auprès de l’État pour l’interdiction du Co-living relève davantage de la déclaration de principe de la posture symbolique que de l’action municipale. 

Peut-être est-ce pour cela d’ailleurs que vous n’avez pas jugé utile de prendre contact avec le groupe MoDem et Indépendants pour préparer en amont le contenu de cette niche et échanger avec nous pour avoir peut-être quelques apports qu’on aurait pu formuler pour vous pour votre travail. 

Nous devons donc rappeler ce contexte, le contexte d’un manque criant de logement à Paris qui accueille chaque année des milliers d’étudiants, des jeunes actifs, des travailleurs venus de province ou de l’étranger. Pratiquement tous les intervenants avant moi l’ont précisé. Alors, veut-on vraiment les en dissuader ? La ville ne construit plus et la pénurie s’aggrave d’année en année. 

Ensuite, vouloir bannir simplement cette forme de logement ne nous paraît pas la bonne approche car il existe bel et bien une demande pour ce type d’habitat. Elle émane notamment d’une génération de jeunes actifs qui vivent seuls entre 28 et 35 ans, souvent isolés dans une ville où la solitude progresse hélas à grande vitesse. 

Pour beaucoup, le Co-living représente une manière d’accéder à un logement en ville tout en recréant un cadre de sociabilité. Balayé d’un revers de main, cette réalité sociale serait se priver de comprendre pourquoi cette offre a trouvé un public. Il faut aussi rappeler que le co-living s’est surtout développé dans des projets de reconversion de bureaux en logements. Contribuant donc à augmenter l’offre nette là où Airbnb la réduisait. Le comparer à ce dernier est donc un contresens. 

Quant à la spéculation, il faut aussi rappeler que les investisseurs institutionnels ont déjà les rendements les plus faibles d’Europe autour de 3 %. Ce sont précisément ces investisseurs non spéculateurs, la Caisse des dépôts, Action logement ou encore des assureurs comme Covéa qui ont investi des centaines de millions d’euros dans ces opérations en imposant des loyers encadrés, même là où le PLU ne l’exigeait pas. 

Aussi, plutôt que d’interdire en bloc, il vaut sans doute mieux encourager les projets vertueux par des incitations fiscales, des délais accélérés et une vraie reconnaissance des bonnes pratiques. Le véritable enjeu, c’est donc d’éviter les dérives spéculatives sans nier la demande sociologique à laquelle le Co-living répond. 

En l’intégrant dans le droit commun et en limitant les excès tarifaires, on pourrait prévenir l’effet d’éviction et garantir un meilleur équilibre sur le marché locatif sans pour autant ignorer que certaines évolutions urbaines et sociales rendent ce modèle attractif pour une partie des habitants, c’est une réalité. En conclusion, nous devons reconnaître l’alerte que vous posez, chers collègues, mais nous refusons la facilité de l’interdiction pure et simple. Merci.