Madame la Maire,
Mes chers collègues,
Pour le MoDem, toujours soucieux de sobriété dans les finances publiques, le débat d’orientations budgétaires est un moment essentiel pour questionner les hypothèses de travail, évaluer la trajectoire et faire des propositions pour davantage de sobriété.
Ce que nous nous efforçons de faire chaque année.
C’est un moment utile, à condition qu’il soit sincère. Malheureusement, le débat de l’an passé, sur lequel nous avons désormais suffisamment de recul, est éclairant sur les difficultés à avoir un débat fondé sur des constats partagés.
Quelques exemples :
L’an passé, vous disiez, Madame la maire, je vous cite « La réponse du gouvernement a été (…) de réduire encore les dotations de notre ville ». Comme si vous découvriez la baisse de la DGF. Sa trajectoire est connue depuis le gel annoncé par François Hollande en 2013 puis la baisse en 2014 de 11 milliards d’euros sur 3 ans. En 2013, la DGF pour la Ville de Paris était d’1, 227 milliards, en 2017 de 124 millions. On peut s’en émouvoir, mais vous avez manifestement mis 10 ans pour vous préparer à la disparition de la DGF, décidé par vos amis du gouvernement, et je pense que ça pouvait suffire.
« La CVAE et les réformes engagées par le gouvernement privent la ville de 500 millions d’euros de recettes » disiez-vous l’an passé. Propos qui ont été démentis par le rapport de la Cour des comptes qui a démontré que non seulement la taxe d’habitation avait été intégralement compensée mais que le dynamisme lié à la TVA avait donné lieu à des ressources supplémentaires pour la ville.
Ces deux éléments étaient la justification de vos renoncements à ne pas augmenter les impôts des Parisiens « mais bon je ne pourrai pas tenir cet engagement » disiez-vous. Et vous en appeliez aux « propriétaires parisiens, à leur solidarité », comme s’ils étaient les seuls à payer l’augmentation de près de 62% de la taxe foncière. Et vous les rassuriez en disant que « les propriétaires seraient exonérés à 100% de leur taxe foncière s’ils engageaient des démarches de rénovation thermique ». On sait ce qu’il en fut.
Dans le paysage des recettes, il y avait un absent de taille lors de votre discours l’an passé : les perspectives quant aux DMTO, pourtant majeurs dans le poids des recettes de la ville. Dans le DOB 2024, vous écrivez « nous avions anticipé le ralentissement l’an dernier ». C’est faux. Vous tabliez sur une hypothèse stable pour les DMTO par rapport au BP 2022. Une hypothèse que nous questionnions, sans pour autant que vous ne la revoyiez, alors même que les premières tendances de ralentissement du marché étaient en cours. Déni pour ne pas dire insincérité qui s’est poursuivie au mois de juillet dernier, lors de l’examen du budget supplémentaire : alors que le marché immobilier avait baissé de 20% sur les 6 premiers mois de l’année, vous refusiez de revoir à la baisse le montant des DMTO par rapport à décembre 2022, pour éviter d’avoir à expliquer comment vous comptiez combler le trou de plus de 200 millions d’euros qui se profilait pour l’année 2023.
Comme attendue, cette baisse s’est confirmée. Au 1er octobre 2023 par rapport à la même date en 2022, elle est de plus de 22 %. Et si la trajectoire se poursuit au même rythme, le total des DMTO sera inférieur de 100 millions d’euros à vos prévisions révisées bien tardivement, laissant un trou budgétaire sur l’année 2023 de près de 300 millions d’euros… Trou qui sera comblé notamment par l’incapacité de la ville à recruter à la hauteur de ses prévisions ce qui démontre l’enjeu d’attractivité auquel la ville est confrontée.
Sur le volet dépenses, Paul Simondon s’engageait à, je cite, « élaborer sereinement, maintenant que nous avons nos capacités d’autofinancement, un plan d’investissement pour la deuxième partie de la mandature ». Vous ajoutiez, « on investit beaucoup, on pourra en avoir une vision beaucoup plus complète ». Alors nous attendons toujours le PIM comme Godot.
Ces quelques exemples démontrent s’il le fallait votre difficulté à faire face à la réalité budgétaire de la ville. A partir du réel et à chercher des solutions. A étudier sereinement les propositions de vos oppositions. Comment dans ces conditions avoir un débat apaisé pour travailler ensemble à l’évolution de la structure du budget parisien ?
La présentation que vous avez faite ce matin : tout va bien mais tout va mal. Tout va mal mais tout va bien finalement est symptomatique de cette dissonance cognitive. Si les fondements évoluent, les grandes tendances demeurent. Et c’est bien de fragilité voir même de dangerosité dont il est question.
Alors finalement, en 2024 les recettes de fonctionnement vont continuer à croître, grâce aux contribuables parisiens, contribuables français, aux touristes, passant de 9, 4 milliards d’euros à 9,8 milliards d’euros en 2024, et ce, malgré le retournement du marché immobilier.
Les dépenses de fonctionnement vont également continuer à croître : passant à 9, 2 milliards d’euros, contre 8,8 en 2023. Les seules augmentations du point d’indice des fonctionnaires dont nous nous réjouissons n’expliquent pas ces 400 millions supplémentaires.
Et puis, un certain nombre d’évolutions auquel vous nous avez habitués.
D’abord les dépenses d’investissement vous l’évoquiez vont augmenter à 1,8 milliard d’euros alors même que les recettes d’investissement sont en baisse pour 2024 et encore davantage pour 2025 et 2026, qui s’expliquent notamment par le tarissement des loyers capitalisés. Il est vrai que les logements à conventionner pour bénéficier des loyers capitalisés se font de plus en plus rares, tout comme les cessions…
Résultat, l’épargne brute atteindra en 2024 un plancher à 571 millions d’euros contre 880 l’année dernière. 300 millions d’écart qui vous conduisent à faire appel à l’emprunt, cette fois à taux variable, avec les risques associés à la situation actuelle d’augmentation des taux.
Vous prévoyez une autorisation d’emprunt à 955 millions d’euros contre 500 millions d’euros en 2023. D’où une forte augmentation de la dette : objectif 10 milliards en 2026. Et une durée de désendettement de 15 ans en 2024. L’an passé vous disiez « ces 10 milliards n’existent nulle part ». Et bien nous y sommes, ce sera l’endettement officiel de la ville de Paris à l’issue de votre mandature. Et ce sans compter les plus de 1, 3 milliard de loyers capitalisés..
Un dernier mot sur le versement transports. Vous dénoncez une mesure pourtant portée par plusieurs groupes politiques, dont les députés socialistes : le relèvement du taux plafond du versement mobilité de 0, 25 points à Paris ainsi que l’instauration d’une taxe additionnelle de 200% à la taxe de séjour pour permettre d’abonder le financement de nos infrastructures de transports qui en ont bien besoin.
Cet exemple est symptomatique. Alors que vous réclamiez l’augmentation de la taxe de séjour pour le budget de la ville, vous la critiquez quand il s’agit d’abonder le budget d’Ile-de-France Mobilité.
Nous, notre boussole est claire.
Ne pas faire peser les dépenses d’aujourd’hui sur les générations de demain. Étudier l’ensemble des dépenses à l’aune de l’intérêt des Parisiens.
Si les fondamentaux budgétaires demeurent mauvais, ce n’est pas à cause de décisions connues et donc anticipables. C’est en raison d’une incapacité à faire évoluer et questionner la structure budgétaire de la ville.
Assumer ses responsabilités, c’est regarder la réalité en face, pour amortir les chocs.
A force de chercher des boucs émissaires et de nier la réalité, notre budget n’est plus en capacité de le faire et les parisiens seront une nouvelle fois mis à contribution et la navigation à vue fondée sur l’absence de PIM se poursuivra.
On attend bien autre chose d’un débat d’orientation budgétaire.
Je vous remercie.