J’ai eu le sentiment aujourd’hui d’être dans une réalité parallèle. Pas seulement vous avoir entendu critiquer la solidarité entre les territoires et regretter la revalorisation du salaire des fonctionnaires, mais parce que vous vous exemptez de toute critique puisque tout est de la faute d’autrui. Et la dégradation des indicateurs est un non sujet.
Un budget caractérisé par une fuite en avant qui dure depuis 2014 et qui emmène inéluctablement Paris dans le mur :
Vous avez laissé filer tous les fondamentaux qui présentent aujourd’hui un visage particulièrement inquiétant. Si la crise a évidemment eu un impact, elle n’est pas responsable de la situation car la spirale était engagée depuis 2014. Et les indicateurs parlent d’eux-mêmes :
– au 31/12/22, nous atteindrons 9 milliards d’euros de dette (7, 7 milliards + loyers capitalisés). Cette trajectoire était celle prévue dès 2014.
Et non l’artifice des loyers capitalisés n’est pas un simple jeu d’écriture comptable ; cette cavalerie budgétaire a des implications réelles sur les bailleurs et in fine sur les locataires du parc social de la ville. Nous avons toujours soutenu la loi SRU et œuvré pour que la Ville remplisse ses obligations. Mais aujourd’hui, on est en droit de se poser la question si les conventionnements à Paris ont pour objectifs l’augmentation du nombre de logements sociaux ou seulement de boucler le budget de la ville.
– Charge de la dette qui grève le budget de la ville : entre 200 et 300 millions d’euros par an et qui pèsera sur les Parisiens, tous les Parisiens, et notamment les jeunes générations, mais aussi sur la mise en œuvre des futures politiques publiques et les agents de la ville. En l’absence de réformes de structures, les augmentations d’impôts, après les augmentations des taxes qui ont caractérisé votre premier mandat, sont inéluctables.
– la durée de désendettement est désormais de 19 années, contre 12 années lorsque vous étiez lié par la contractualisation avec l’État
Cette dégradation des fondamentaux n’est que la conséquence de la fuite en avant que nous dénonçons depuis 2014. Car les marges de manœuvre étaient obérées bien avant la crise sanitaire…
Un budget également marqué par l’insincérité :
– Le stationnement : chaque année, nous assistons à une surestimation ; depuis la privatisation du stationnement, vous surestimez ces recettes de stationnement de plus de 100 millions. Cette année ne fait pas exception mais c’est encore plus grossier avec le décalage de l’entrée en vigueur du stationnement payant des 2RM décalée de 8 mois
– Autolib : 2022 devrait voir le résultat de la procédure en cours avec l’ancien opérateur qui réclame, rappelons-le, 235 millions d’euros. Sans présager de la décision judiciaire, le fait de ne rien provisionner est pour le moins optimiste.
– La taxe de séjour, manifestement surestimée au regard des perspectives du tourisme ; on ne retrouvera le niveau de 2019, et d’ailleurs, ce n’est pas souhaitable.
En tant que centristes, nous sommes profondément attachés à l’orthodoxie budgétaire. Mais nous sommes encore plus attachés à notre Ville, à la qualité de services rendus aux Parisiens, à leur cadre de vie. Quand on n’a ni l’orthodoxie budgétaire, ni l’efficacité de l’action publique, c’est la double peine.
– Autorisation d’emprunt : plus de 900 millions d’euros : mais pour quoi faire ? En l’absence de débat sur le PIM, comment se prononcer sur un tel emprunt, à la veille d’une augmentation des taux ?
Et puis le budget que vous nous présentez n’est absolument pas résilient. Non, on ne peut pas continuer comme avant, faire comme si nous n’avions rien appris de la crise. Il est urgent de réduire nos dépendances liées à des recettes trop fluctuantes. Prioriser, restructurer les dépenses, etc. Pardon d’avoir refait une proposition simple et accessible, en demandant de caper les DMTO à 1 milliard d’euros, soit le niveau de 2015 et de consacrer le surplus au surendettement de la ville. Les DMTO constituent une recette o combien malsaine, qui surfe sur l’augmentation de l’immobilier et ont rendu la ville speculo dépendante : 1 milliard de DMTO c’est le chiffre de 2015. Depuis cette date, les dépenses n’ont cessé de filer.
Nous avons fait des propositions pour diminuer les dépenses, les prioriser, œuvrer contre le surendettement de la ville. Avec des fins de non-recevoir. Aujourd’hui, notre inquiétude est immense. Pour les Parisiens, pour les services publics de la ville, pour l’accueil des JO. Comment peut-on imaginer continuer ainsi avec un budget caractérisé par une fuite en avant, un budget insincère et un budget qui ne prépare pas la ville aux enjeux d’aujourd’hui et de demain.
Nous sommes au bout du bout du bout. A bout aussi. Et les Parisiens également. Foncez dans le mur en klaxonnant ne fait pas disparaître la dette, ni ne donne de marges de manœuvre. Ne comptez pas sur nous pour y participer.
Je vous remercie.