Madame la Maire, mes chers collègues,
Trois années. Trois années se sont écoulées depuis ce drame inqualifiable, un drame et non un accident, qui a bouleversé la vie des habitants de la rue de Trévise, les riverains, qui marquera pendant de très nombreuses années la mémoire du 9e arrondissement, et plus généralement celle de toute notre Ville.
Je tiens à avoir une pensée toute particulière pour les défunts : le caporal-chef Simon Cartannaz, le sergent Nathanaël Josselin, Laura Sanz Nombela, Adèle Biaunier, à leurs compagnes, leurs compagnons, les orphelins, les familles endeuillées, les blessés, nous serons toujours à vos côtés et nous n’oublierons jamais ce drame.
Je tiens à saluer celles et ceux qui aujourd’hui souffrent encore de séquelles physiques, psychologiques et matérielles, de ce qui fut une scène de guerre impensable au cœur de notre capitale.
Je pense aussi à Inès, qui nous aura tous bouleversés par ses témoignages de souffrances et de peines.
D’une manière générale, à chaque cérémonie de commémoration, nous avons pu nous rendre compte que la reconstruction sans la reconnaissance n’était pas possible.
Avoir l’impression d’être une deuxième fois victime des lenteurs, des hésitations, des attentes, du temps perdu, et souffrir, toujours plus, sans avoir l’impression qu’un jour il sera possible de tourner la page.
Je tiens évidemment à remercier les présidentes des associations de victimes, Linda Zaourar et Dominique Paris, pour leur combat au quotidien pour faire entendre la voix de celles et de ceux qui attendent depuis trois ans de pouvoir enfin passer à autre chose.
Mais surtout Delphine Bürkli, Maire du 9e arrondissement, qui a été là dès les premières minutes aux côtés des victimes, et engagée, jour après jour, pour qu’un jour le tout quartier puisse reprendre une vie normale… Sans oublier, mais sans les stigmates encore visibles.
Je n’étais pas encore élue du 9e arrondissement en 2019, mais je peux témoigner des efforts considérables mis en place par notre équipe d’élus du 9e, en 2020, 2021 autour de Delphine Bürkli. La Maire n’a jamais diminué ses efforts pour que l’on puisse arriver à la signature d’un accord-cadre, à la reconnaissance du statut de victimes, ou encore à la reconstruction du quartier Faubourg-Montmartre.
Le lieu du drame est à quelques pas de l’école maternelle et primaire de ma fille, et j’ai ressenti ce matin-là, une terrible frayeur pour la camarade de classe, pour ses parents, qui vivaient à quelques mètres du 6 rue de Trévise. Ces minutes, ces heures nous les avons connues, celles où chacune et chacun d’entre nous se demandait comment allait ceux que nous connaissions car dans un drame c’est toujours aux proches que nous pensions en premier. Puis ceux que l’on connaît ce restaurateur, ces amis d’amis. Ce sentiment d’appartenance à une vie de quartier, à une communauté, s’est immédiatement manifesté par un formidable élan de générosité des habitants pour venir en aide, aux premières heures du drame, depuis la cour de la Mairie du 9e, aux victimes de l’explosion.Je vous invite, j’invite celles et ceux qui ne l’auraient pas encore fait à se rendre sur les lieux du drame.
D’un côté, les hôtels qui furent éventrés sont désormais refaits entièrement à neuf et flamboyants et c’est une excellente chose pour la vie du quartier. Mais en face, au 6 rue de Trévise, la désolation – pour reprendre les termes employés par Dominique Paris. À l’image des victimes et rescapés qui ont attendu trop longtemps pour que ce jour arrive. C’est un sujet bien trop grave pour en faire une récupération politique.
En tant qu’avocate, je sais à quel point ce genre d’affaires est difficile à résoudre et à quel point il faut du temps pour établir les responsabilités, pour rechercher les causes du drame, indemniser, reconnaître puis reconstruire.
Nous avons pourtant eu l’impression pendant trois ans que les victimes et leur indemnisation étaient toujours reléguées au second plan, derrière les procédures judiciaires, les expertises, les contre-expertises, les enquêtes et les attentes d’avis juridiques. L’impression donnée par la Ville de Paris fut malheureusement celle d’une collectivité locale plus inquiète de son éventuelle responsabilité, que d’apporter une écoute et des réponses concrètes et rapides à la hauteur de ce drame. Nous aurions attendu d’une ville comme Paris, suite à l’ampleur des dégâts, plus d’humanisme et de compassion.
Comme nous avons su le faire à tant de reprises, affirmer que certaines situations dramatiques ont un caractère d’urgence aurait été plus que bienvenu.
Or, sur ce dossier, les victimes et les rescapés ont été littéralement ballotés et notre Ville n’a pas été au rendez-vous,
Pourtant, la convocation de ce Conseil municipal exceptionnel interroge grandement. Quatre mois sont passés depuis la confirmation de la possibilité de signer un tel accord-cadre par la Déléguée interministérielle de l’aide aux victimes, Frédérique Calandra. Des mois d’attente, des années de patience, et d’un coup, alors que le calendrier électoral s’accélère, nous apprenions notre convocation à ce Conseil exceptionnel, quelques semaines avant celui de février. Ce qui donne l’impression d’une instrumentalisation de notre assemblée, que nous désapprouvons.
Bien évidemment, le Groupe MoDem, Démocrates et Écologistes votera sans hésitation cette délibération, en espérant qu’elle pourra donner aux victimes et aux rescapés la sérénité et l’apaisement nécessaire et tant attendu.
Je vous remercie.