Madame la Maire, mes chers collègues,

Une année ô combien singulière et difficile s’achève, au cours de laquelle la Ville fut, à l’instar des autres collectivités territoriales, mobilisée aux côtés de l’État pour lutter contre la crise sanitaire. Avec des initiatives heureuses et d’autres beaucoup moins sur lesquelles nous avons déjà eu l’occasion de nous exprimer.

Mais aujourd’hui, la seule question qui doit nous occuper est celle-ci : avec ce budget, la Ville se donne-t-elle les moyens de faire face à la crise majeure que nous traversons ?

Si l’année a été exceptionnellement difficile, cela ne se traduit pas dans le budget que vous nous présentez aujourd’hui.

Car ce budget est avant tout :

  • Le reflet d’une gestion budgétaire passée hasardeuse
  • Un budget qui n’est pas en mesure de dégager de réelles marges de manœuvre.

La crise sanitaire, et ses corolaires, a bien sûr, eu un impact significatif sur les finances de la ville :

–       Des recettes en moins (baisse des recettes fiscales liées à l’immobilier et au tourisme)

–       Des dépenses en plus (plan de soutien et gestion de la crise sanitaire)

L’honnêteté oblige à dire qu’il y a aussi eu des dépenses en moins au cours de cette période si singulière.

Pour autant, l’impact de la crise sanitaire d’un montant 800 millions d’euros sur l’année 2020 ne constitue qu’une partie de l’explication du creusement de la dette qui poursuit en réalité la même trajectoire depuis 2015.

La dégradation des indicateurs, qui saute aux yeux dans cette communication, était en effet en germe depuis le début de la mandature précédente, en raison de faiblesses devenues structurelles :

–       La trop forte dépendance de la Ville au marché de l’immobilier qui rend Paris éminemment vulnérable ; lors du BP 2020, vous prévoyiez 1,6 milliard d’euros de DMTO : ce n’est ni sain intellectuellement – compter sur la spéculation immobilière pour remplir les caisses de la ville-, ni sain budgétairement, tout retournement de tendance faisant peser un fort risque sur les finances de la ville ; c’est la raison pour laquelle nous continuons à proposer de caper les DMTO et de consacrer les éventuelles sommes supplémentaires au processus de désendettement de la ville ;

–       L’absence, au cours de la dernière mandature, de toute réforme structurelle qui permette de dégager de véritables marges de manœuvre.

Libérée de son engagement avec l’État, la Ville a laissé « filer » les indicateurs de bonne santé budgétaire, garants d’une gestion raisonnée et prévoyante, ce qui se traduit par :

–       Une chute de l’épargne brute de 41 %,

–       La dégradation de l’autofinancement, avec un besoin de financement multiplié par 3 en un an (792 millions d’euros contre 262)

–       L’accélération du niveau d’endettement qui multiplie par 2 la durée de désendettement pour atteindre plus de 18 ans avec des intérêts de la dette qui vont atteindre un rythme difficilement soutenable. Ce que l’on sait depuis des années…

La crise que nous connaissons est un accélérateur de la dégradation des finances publiques parisiennes. Et non l’initiatrice. Elle ne fait que confirmer la fragilité des fondements budgétaires de la ville.  

L’orthodoxie budgétaire n’est pas une lubie centriste par principe. C’est une question d’efficacité pour avoir les moyens nécessaires lorsqu’une crise survient. Dans la situation actuelle, alors que la crise sanitaire perdure et que les crises sociale, économique, environnementale et morale se creusent, nous avons besoin que la ville soit au rendez-vous.

Vous parlez d’un budget de combat. Nous craignons qu’il ne soit en réalité un budget de renoncement…

Car il ne peut y avoir de relance sans réforme.

Comme il ne peut y avoir de dépense sans économie.

Bien évidemment, vous préférez accuser les autres de vos propres turpitudes. Et l’État est désigné comme le coupable de l’absence de marge de manœuvre.

–       Un État qui pourtant contribue financièrement à la relance, à travers le programme France relance dans lequel vous vous inscrivez. Un seul exemple, en matière de rénovation énergétique des bâtiments publics parisiens pour laquelle nous souhaitons, par notre amendement, que vous nous indiquiez un calendrier de mise en œuvre.

–       Un État qui compense généreusement la suppression de la taxe d’habitation. En 2021, 46% des foyers parisiens bénéficieront de ce soutien important au pouvoir d’achat. Et le budget de la ville pourra compter sur une sur-compensation de la part de l’État d’un montant de 46 millions d’euros, la somme de la collecte de la TH et de la compensation étatique dépassant de 46 millions le même poste en 2020.  

–       Enfin, la circulaire du 24 août 2020 vous permet, de manière exceptionnelle, d’étaler les dépenses liées à la crise sanitaire sur un maximum de 5 ans et de les faire passer de la section de fonctionnement vers la section d’investissement ce qui est un soutien au budget.

Contrairement à ce que vous laissez entendre, Paris n’est pas exclue des dispositifs complémentaires.

Face à ces difficultés, vous avez recours à des classiques :  

Je ne reviendrai par sur les loyers capitalisés, une manne qui se tarit logiquement mais qui n’en reste pas moins une pratique sujette à caution.

Vous faites preuve d’un certain optimisme dans la prévision de certaines recettes. Compte tenu du ralentissement du tourisme et la transformation profonde des aspirations en la matière ainsi que de la baisse du pouvoir d’achat des ménages parisiens, vos prévisions en matière de niveau des DMTO et de taxe de séjour nous paraissent particulièrement élevées.

Et puis il y a la traditionnelle recherche de nouvelles recettes, d’abord via des cessions qui elles aussi, se tarissent,

Mais aussi en cherchant à utiliser le levier des taxes d’où vos demandes visant à :

–       Augmenter le montant des taxes sur les résidences secondaires ;

–       Augmenter le niveau des DMTO, quitte à renchérir le marché de l’immobilier, notamment pour les primo-accédants

Et puis la perspective de la mise en place d’un stationnement payant pour les 2 roues motorisés que vous intégrez d’ores et déjà aux recettes budgétaires, avant même que nous ayons débattu. Sur ce point, nous souhaitons avoir la répartition de l’estimation des recettes, les recettes de stationnement des VL et des 2RM n’étant pas distinguées. Et nous craignons que les estimations du stationnement pour les VL ne soit surestimées au regard de la persistance de la crise sanitaire et donc du moindre nombre de voitures.

Nous ne sommes pas défavorables par principe à certaines taxes. Notamment lorsque cela permet de faire levier sur des politiques publiques. C’est la raison pour laquelle c’est le groupe MoDem à l’Assemblée qui est à l’origine de l’amendement visant à alourdir la taxe de séjour sur les meublés touristiques et permettant de rétablir la justice avec le parc hôtelier.

En revanche, nous sommes résolument contre des taxes pesant sur les Parisiens, alors même qu’elles ont significativement augmenté lors de la dernière mandature. C’est la raison pour laquelle nous déposons un amendement visant à geler les tarifs municipaux, afin que la recherche de recettes supplémentaires ne se fasse pas aux dépens du pouvoir d’achat des Parisiens, déjà fragilisé par la crise.

Nous ne pouvons faire peser sur les Parisiens, les conséquences de la gestion hasardeuse de la Ville.

En l’absence de réforme structurelle passée, il existe peu de marges de manœuvre, ce qui engendre des niveaux d’intervention malheureusement pas suffisant à la hauteur des enjeux.

–       Tant au niveau des mesures d’accompagnement pour les secteurs les plus touchés par la crise économique. Malgré de bonnes initiatives, notamment en matière d’emploi, c’est le saupoudrage qui prime, faute, une nouvelle fois, de réelles marges de manœuvre.

–       Qu’au niveau des politiques publiques que doit porter la ville.

Je ne m’attarderai que sur le sujet de la mobilité et de l’espace public. L’adaptation de la ville au changement climatique et le soutien aux mobilités actives ne doivent pas être sacrifiés. C’est la raison pour laquelle :

–       Nous demandons un maintien du niveau de dépense en matière d’entretien de la voirie, celle-ci étant particulièrement dégradée, ce qui est accidentogène, notamment pour les 2 roues ;

–       Nous demandons un maintien du niveau du plan piéton, dont on ne peut pas dire qu’il a profondément changé la place du piéton à Paris qui reste le grand oublié ; notre amendement demande que le budget consacré aux piétons ne se réduise pas à l’opération Paris respire ou la rue aux Écoles et soit significativement augmenté ;

–       Et nous présentons un vœu visant à faire de l’économie circulaire un véritable levier de la réduction des déchets et de soutien au pouvoir d’achat et ce, sur l’ensemble du territoire parisien.

Mes collègues Maud Lelièvre et Pierre Casanova s’attacheront à expliciter d’autres volets de cette proposition budgétaire.

Je vous remercie.