Madame la maire,

Mes chers collègues,

Décider d’un PLU n’est jamais anodin.

Derrière les données techniques, les chiffres, le droit de l’urbanisme, il nous faut imaginer et projeter, comme d’autres avant nous, que les changements que nous votons aujourd’hui imprégneront les esthétiques urbaines et les vies de demain.

La ville vit, croit, ressurgit en dehors de nous selon les mots de Julien Gracq. Elle nous imprègne à tout jamais, nous forme et nous la reformons.

Ce PLU s’inscrit dans une longue série de révisions et de débats, de reports également.

Mais l’élaboration d’un PLU est avant tout un moment stratégique, un moment de rupture. Aujourd’hui, ce PLU doit répondre aux défis majeurs de la lutte et de l’adaptation de la ville aux effets du changement climatique, à la question surtout de l’habitabilité.

Depuis 2006, les données des différents rapports du GIEC alertent sur l’accélération du réchauffement dont les effets se feront ressentir plus fortement dans une ville comme Paris, très dense, trop dense, et ne comptant pas assez d’espaces verts par habitant. Paris a déjà connu des températures pouvant monter jusqu’à 80°C. Les scientifiques nous disent que si nous continuons sur cette trajectoire, des températures extrêmes, telles que l’Inde et le Pakistan ont connues en avril 2022, pourront devenir des événements climatiques récurrents, y compris dans notre capitale.

Dessiner la ville ne relève plus du débat partisan, mais relève bien de la nécessité de répondre à l’urgence.

Comme l’a montré la Mission d’Information et d’Evaluation « Paris à 50°C », dont je salue le travail collectif, ce qui se joue devant nous n’est plus à prendre à légère. Il est question aujourd’hui de savoir si Paris, dans 5, 10, 15, 20 ans sera encore habitable. Il est primordial d’avoir toujours cette interrogation en tête lorsque nous élaborons des projets urbanistiques qui permettront de rendre cette ville plus sûre et plus vivable pour tous ses habitants et pour le vivant.

Pour avoir un  Paris résilient, ce nouveau PLU doit répondre à  trois exigences. La première celle de la cohérence. Paris doit disposer d’un urbanisme cohérent, adapté, se confrontant à la réalité.

Ce PLU doit rompre avec les logiques urbanistiques du passé. Il n’est plus possible de construire de grandes tours vitrées, ou de déroger aux règles les induisant, qui au-delà d’un esthétisme discutable et d’un confort relatif de vie pour ses habitants sont des gouffres énergétiques favorisant le réchauffement de la ville. Même la ville de New-York, connue pour sa skyline ponctuée de nombreux grattes-ciels a interrogé ce modèle de tours durant l’élaboration de son plan d’adaptation “New York 2050”.

L’adaptation du bâti parisien ne peut se faire contre l’histoire de Paris, et notre amie Béatrice Lecouturier développera nos propositions. L’isolation par l’extérieur, technique d’isolation au demeurant très efficace afin de réduire la température au sein des logements, peur se faire dans le respect des caractéristiques esthétiques de façade. Il convient d’adapter Paris, tout en faisant perdurer son esthétisme. Quel sens aurait pour notre identité une ville mondialisée, dont les façades et les toits ont perdu leurs caractéristiques qui permettent, dès le premier regard, de savoir que nous sommes à Paris. Encore plus lorsque les rues se bordent de marques et de façades commerciales qui se répètent à l’infini de Prague à Milan, de Tokyo aux malls d’Abu Dhabi. C’est le sens du consensus que nous avons trouvé au sein de la MIE, à savoir conjuguer au présent adaptation et identité, modernisme et histoire.

Seconde exigence, celle du vivant. Paris peut devenir une véritable ville-nature si nous y mettons de la volonté et des moyens financiers. En ce sens, la végétalisation de l’espace public doit être massive mais doit surtout être réalisée de pleine terre et dans la durée en choisissant des essences adaptées face à la réalité du futur climat parisien, et il n’est pas forcément judicieux de seulement s’appuyer sur des essences locales mais également d’imaginer celles qui pourront être plus résistantes au stress hydrique.

Sachons regarder ce qui se fait de mieux et aidons-nous des outils qui sont à notre disposition, comme ceux du Muséum National d’Histoire Naturelle qui, par son expertise, peut nous accompagner dans l’élaboration d’un panel d’essence aptes à avoir des plantations adaptées au réchauffement climatique.

Sachons également nous prémunir des effets de mode sans recul d’analyse. Expérimenter les plantations miyawaki a son utilité dans certains territoires, or en France, qui plus est à Paris, son efficacité reste toute relative, car cette méthode doit s’adapter au contexte écologique de chaque lieu. Une étude, parue dans la revue Landscape, fait état d’une mortalité des arbres à hauteur de 80 % au bout de dix ans, raison pour laquelle une autre capitale européenne comme Berlin revient en arrière. Et ce n’est qu’un exemple de mal adaptation ou de contre-solution sur lequel il faut savoir revenir en arrière.

Alors pour permettre à la biodiversité de s’implanter en ville et de croître de manière positive, il convient d’étendre les trames vertes continues à partir des bois, des parcs et des squares, dans le but de créer de nouveaux corridors de biodiversité et de fraîcheur. Les choix urbanistiques du passé ont rendu l’espace urbain parisien trop fragmenté entraînant des ruptures de continuité trop importantes.

Notre contribution aujourd’hui se traduit par un certain nombre d’amendements importants – je viens d’en évoquer quelques-uns et j’espère que nos contributions seront lues comme un enrichissement dont nous partagerons collectivement le bon sens.

Pour maintenir et augmenter le taux de végétalisation à Paris, il convient de planifier et de sanctuariser des espaces à végétaliser chaque année. Pour cela, nous proposons d’augmenter le nombre d’Espaces verts protégés, en définissant des seuils sur le nombre avec une tendance à l’augmentation chaque année.

Enfin, troisième exigence, celle d’une ville adaptée, celle d’une ville qui protège ses habitants.

Le premier outil à notre disposition est bien évidemment la végétalisation que je viens d’évoquer. Par son rôle de climatiseur naturel mais aussi par ses capacités d’ombrage, la végétalisation permet de rendre l’espace public plus sûr, utilisable. C’est pour cela que nous proposons l’établissement d’un coefficient ombre de l’espace public permettant à tout un chacun de s’adapter et de s’approprier un espace public plus frais. Il est utile face aux crises d’avoir des indicateurs de suivi non pas pour nous satisfaire ou nous féliciter mais pour savoir où nous allons. Ce sont les indicateurs qui sont au cœur des débats des COP.

Protéger la population c’est aussi préserver et décider de ne pas faire, de ne pas construire. Nous ne préservons pas suffisamment, à travers ce PLU, des corridors d’air car en continuant à sur-densifier, à surélever la ville, nous nous disons que demain nous allons abandonner certains quartiers, certains habitants, à la chaleur d’une ville radiateur sur-bétonnée. Il nous est aussi possible également d’agir en urgence sur le bâti. L’adaptation du bâti doit impérativement prendre en compte la protection des Parisiens et la réduction de l’effet d’îlot de chaleur urbain dans la capitale. Le confort d’été doit être au cœur de nos transformations, et pour cela, nous proposons, pour toute construction neuve ou restructuration lourde, un système de ventilation passif, qui doit être choisi en priorité.

Enfin, parce que Paris doit être une ville facilitatrice d’échanges et de liens intergénérationnels, nous avons déposé un vœu afin que soit aménagée une ou plusieurs placettes oasis par quartier, ce n’est pas une idée simplement de notre groupe, c’est une préconisation de la MIE. Ces placettes seront des lieux de sociabilisation intergénérationnelle et de sauvegarde.

La vision du Paris que nous défendons est un Paris adapté, frais et sûr pour ses habitants. Un Paris qui répond dans le concret, avec des indicateurs chiffrés et transparents. C’est le sens de nos amendements.

Après le temps de la construction, celui du PLU de 2006, passons à celui de l’adaptation, de la résilience et de la sobriété. Celui d’une ville qui protège et prépare l’avenir dont les Parisiens ont besoin. C’est cette vision de Paris que défendra notre groupe.

Je vous remercie.