Madame la Maire,
Mes chers collègues,
Enfin. Ce PLU que, comme Godot, nous attendions depuis dix mois, a fini par arriver. Il aura donc fallu 3 ans, 3 ans à la majorité pour se mettre d’accord sur un programme de mandature.
3 ans au cours desquels l’absence de vision partagée faisait capoter, les uns après les autres, les projets d’urbanisme de la Ville.
Ce qui a changé ? C’est que vous êtes, Madame la Maire, revenue sur vos engagements de campagne.
Et ce PLU marque la réconciliation de la majorité municipale au prix des renoncements.
Renoncements à votre promesse de ne pas augmenter les impôts, qui vous permet de lever le verrou financier et aligner deux ambitions irréconciliables, sauf à laisser filer la dette.
Renoncement aussi à tout ce que vous avez porté depuis 2001.
Les balbutiements au sein de la majorité auront fait perdre beaucoup de temps à la ville. Car l’ancienneté du PLU actuel est un frein à la nécessaire adaptation de la ville dans un monde en constante accélération.
Le débat de ce matin nous donne l’occasion de dresser un bilan précis de votre action depuis maintenant plus de 20 ans. Un bilan maintes fois dénoncé, et aujourd’hui parfaitement documenté grâce au travail des services de la ville.
Depuis 2006 :
- Vous avez bétonné Paris : c’est incontestable, et mesuré : entre 2006 et 2020, ce sont plus de 2, 85 millions de m2 supplémentaires qui ont été construits, dont 1,5 million de m2 de bureaux, avec une augmentation allant jusqu’à 21 % depuis 2014…
- Vous avez promu des projets anti écologiques en vous affranchissant de la règle des 37 mètres, dans les ZAC, ou encore avec la Tour Triangle…
- Vous avez diminué les espaces de respiration en déclassant des parcelles classées « espaces verts protégés », en autorisant 1477 surélévations, ainsi que les constructions en cœur d’îlot
- Vous avez créé des îlots de chaleur à l’image de la place de la République
Votre premier adjoint, le résume d’ailleurs parfaitement : le PLU de 2006, c’était le temps de la construction. On ne saurait dire mieux, malgré les discours et les dénégations tentant de faire croire l’inverse aux Parisiens.
Ce n’est pas ce que nous souhaitons pour les prochaines années. Discuter du PLU, c’est se projeter sur le long terme. C’est prendre des décisions aujourd’hui qui auront une incidence sur les prochaines décennies. C’est œuvrer pour que les Parisiens vivent mieux. Voire vivent tout court.
Si ce PLU peut aujourd’hui être présenté, c’est parce que vous avez renoncé à l’idée même de la sobriété financière avec des objectifs non soutenables, que vous affichez dans ce projet en matière de logements.
Vous escomptez une augmentation du nombre de logements et une augmentation du nombre de logements publics, grâce au renforcement
- de la servitude de mixité sociale,
- du pastillage (611 emprises supplémentaires),
- des surélévations,
- et à la création de la servitude de mixité fonctionnelle.
Cet objectif passe par un « moratoire » sur les bureaux, et l’objectif d’une diminution de leur nombre de 20 à 15 millions de m2.
Des dispositifs critiquables à bien des égards :
Contre productifs : les propriétaires des emprises tertiaires concernées seront découragés de faire les nécessaires travaux de rénovation thermique et plutôt que de voir dépréciés leurs biens seront incités à vendre.
Éminemment dispendieux : le droit de délaissement représentera un puit sans fond pour les finances de la ville…
Des dispositifs aussi discutables juridiquement quand il s’agit de dire qu’un arrondissement est sous doté en logement social quand il respecte les 25% de la loi SRU…
La ville de Paris a aujourd’hui atteint les objectifs de la loi SRU. Cela signifie-t-il que le chantier du logement est clos ? Sûrement pas.
Nous considérons, au groupe MoDem, qu’il faut continuer de produire du logement social. Des logements mieux répartis sur le territoire, en limitant à 35% le pourcentage de logements sociaux par arrondissement, et donc en diminuant leur nombre dans les 19e, 20e et 13e arrondissements.
Pour ce faire, il faut renouer avec l’accession sociale à la propriété dans les zones surdotées en logements sociaux, pour soutenir la mixité sociale et redonner des marges de manœuvre financières aux bailleurs pour œuvrer sur la dimension qualitative des logements sociaux actuels, et continuer à produire là où il n’y en a pas suffisamment, dans le respect de la loi actuelle.
Renforcer le parcours résidentiel, rééquilibrer le logement social sur le territoire parisien et œuvrer pour la qualité du logement social, il y a beaucoup à faire. Mais vos objectifs ne sont en rien soutenables.
L’autre urgence, c’est l’atténuation du changement climatique et l’adaptation de la ville au dérèglement climatique. Les deux. Des promesses qui doivent se traduire en actes.
Préserver les espaces de pleine terre, c’est renoncer aux projets de construction sur les EVP, comme le projet Reille, ou encore sanctuariser les espaces verts actuels, comme sur le site de l’ancien hôpital de La Rochefoucauld.
Moins construire, réutiliser, c’est évidemment diminuer sa consommation de béton ; d’où la logique de mettre fin à l’implantation de l’usine Lafarge.
Sinon ce ne sont que des mots. C’est une accélération dont nous avons besoin pour adapter la ville au dérèglement climatique, et Maud Lelièvre y reviendra.
C’est aussi concilier urgence climatique et protection patrimoniale, Béatrice Lecouturier s’y arrêtera.
Mieux vivre, c’est faire cohabiter harmonieusement les différentes activités logement, emploi, services publics, commerces.
Au groupe MoDem, nous croyons à la mixité, qu’elle soit sociale ou fonctionnelle, mais cela doit se faire sans perte de valeurs, par l’accompagnement, pas par la contrainte !
Affirmer qu’on veut préserver le commerce, c’est bien. Soutenir concrètement les commerçants c’est encore mieux. Les nouveaux linéaires de protection commerciale vont dans le bon sens. Mais il faut aussi faciliter leur exercice, leur donner les moyens de travailler, notamment en leur permettant de livrer et de se faire livrer, à travers les places de livraison annoncées, que l’on souhaite voir inscrites dans le PLU.
Améliorer le cadre de vie, c’est aussi prendre soin de la population et mener une politique véritablement inclusive. C’est adapter la ville aux grandes tendances démographiques, je pense notamment au vieillissement de la population – d’ici 2050, 27% des Parisiens auront plus de 60 ans. Cela implique de renforcer significativement l’offre de soins et les solutions d’hébergement pour nos aînés.
Le PLU a pour objectif de dessiner aujourd’hui la ville de demain. Pour permettre aux Parisiens de vivre mieux, de bénéficier d’un cadre de vie accueillant pour tous, nous vous faisons de nombreuses propositions, une dizaine de vœux et une quarantaine d’amendements que mes collègues détailleront. Avec une seule boussole : rendre Paris attractive pour ses habitants.
Je vous remercie.