Le 22 janvier dernier à Lannion, Raphaël Esrail nous quittait à l’âge de 96 ans au terme d’une vie marquée par l’espérance, la souffrance et l’engagement. Au nom du groupe MoDem, Démocrates et Écologistes, je tiens à adresser mes sincères condoléances à sa famille ainsi qu’à ses compagnons de combat, notamment ses camarades de l’UDA.
Arrivé en France à l’âge de 1 an avec ses parents en provenance de Turquie, il mène une enfance insouciante, jusqu’à ce que la Seconde guerre mondiale ne bouleverse sa vie. À 19 ans, il suit de brillantes études d’ingénieur à l’EM Lyon tout en participant à la résistance en fabricant de faux papiers pour préserver la vie de ses camarades de combat. Dénoncé, il sera déporté à Drancy où son chemin croise celui d’une jeune femme, Liliane, dont le souvenir l’aidera à surmonter l’insurmontable, à Auschwitz, puis à Dachau.
Après avoir résisté aux humiliations, à la haine, aux coups, aux marches de la mort, il est libéré par les forces américaines en avril 1945, il rentre en France et y retrouve Liliane. Après ses études, il rejoint Gaz de France et tente de tourner la page, jusqu’à ce que le poison du révisionnisme ne l’enjoigne à reprendre le combat. Celui de témoigner pour faire vivre la mémoire de celles et ceux qui ont perdu la vie, à cause de l’entreprise de destruction de l’humanité conçue par les Nazis. Il écrira bien plus tard, dans L’espérance d’un baiser, « les survivants n’ont pas de haine. Ils témoignent de ce que fut Drancy, de ce que fut la Shoah, dans l’intention surtout de prévenir le racisme et l’antisémitisme »
Secrétaire général, puis président de l’Union des déportés d’Auschwitz, infatigable passeur de mémoire, il s’attache au recueil, à la connaissance et à la transmission du crime ultime, afin de prévenir sa survenance à nouveau. Sa parole, d’une rare humanité malgré l’horreur vécue, nous manque déjà tandis qu’il repose désormais auprès de son épouse Liliane, à Biarritz.
Alors que l’actualité est marquée par la persistance d’un antisémitisme dans notre société, mais également par un révisionnisme qui désormais s’affiche sans complexe, la poursuite, et même le renforcement de l’œuvre de Raphaël Esrail est une impérieuse nécessité. Il considérait que le devoir de mémoire devait être au cœur de la transmission et de l’école, afin que les jeunes générations n’oublient jamais que l’inhumanité reste toujours à nos portes.
Raphaël Esrail n’est plus, mais son œuvre doit lui survivre. C’est une exigence. Prévenir, informer, pour que ce passé ne soit jamais reconduit, dans aucun présent. Les survivants s’éteignent. Mais le combat de la mémoire, lui, doit renaître.
Je vous remercie.